Le vent brûlant pénètre dans ma voiture, et je m’enivre du paysage verdoyant qui s’offre à moi. Ma bagnole fredonne Forever Young de Rod Stewart. Je monte le volume de la radio et chante à tue-tête, toute seule, perdue au milieu d’une magnifique campagne vêtue des plus beaux atouts de l’été.
Et dehors ça sent la liberté.
Sur la banquette arrière traîne mon sac de plage, dans lequel j’ai déposé des trucs à grignoter, trois tubes de crème solaire, une longue serviette et beaucoup de livres.
Aujourd’hui, sans une once de remords ou d’attentes, je fais ce que je veux, quand je veux, et je ne dois rien à personne.
N’est-ce pas merveilleux de passer des moments avec soi-même ?
Alors pourquoi ne le fait-on pas plus souvent ?
Je glisse ma main à l’extérieur de mon véhicule et sens entre mes doigts le vent filer aussi vite que le temps.
Si je ne m’étais pas lancé un défi en début d’année — celui d’accomplir seule tout ce que j’ai l’habitude de réaliser en étant accompagnée —, je resterais chez moi à gaspiller une belle journée ensoleillée. Oui, j’aurais fait comme par les années passées, j’aurais reporté l’activité.
Attendre…
Je regarde les fleurs des champs qui courent presque sous mes yeux, et je me questionne : pourquoi attendons-nous que quelqu’un soit libre de nous aider ou de nous accompagner ? Pourquoi attendons-nous après les autres ?
Il est normal de demander l’appui et les conseils d’autrui lorsque l’on ne peut accomplir certaines tâches par soi-même, mais pour le reste…
Pourquoi est-ce si difficile d’être confronté à la solitude et d’entamer seul certaines activités ? Par exemple : aller au restaurant, sortir au cinéma, se reposer dans un tout-inclus, effectuer des rénovations, partir à l’étranger, démarrer un projet.
Est-ce à cause de la paresse ? D’un manque de confiance en soi et en ses compétences ? Ou est-ce la peur du jugement, de se voir rejeté dans le regard des autres ? La peur de s’ennuyer ?
Peu importe les raisons qui nous motivent à construire notre nid dans l’attente et l’inaction, il n’en reste pas moins qu’en se comportant ainsi, nous handicapons notre autonomie et notre capacité à prendre en charge notre propre bonheur.
Tout simplement parce que nous attendons. Après tout et rien.
Cette semaine, j’avais vraiment envie d’aller à la plage. Je rêvais de nager parmi les vagues. Or personne n’était libre pour m’y accompagner. Deux choix s’offraient donc à moi : tourner en rond dans la maison et remettre à plus tard ma sortie à la plage, ou m’y rendre seule.
J’ai pesé le pour et le contre.
Dans les avantages : le soleil, la baignade, le ressourcement, l’eau, lire, le kayak, les chips. Ensuite, partir à l’aventure, avoir du plaisir, me reposer, marcher.
Dans les inconvénients : je serai seule; les gens penseront que je n’ai pas d’amis, de famille; ils croiront que je suis… UN VILAIN PETIT CANARD QUI VA À LA MER !
Quand une peur s’emballe…
Puis, je me suis posé cette question : qui pensera ça ? Les gens ou moi ?
À l’ère des réseaux sociaux qui nous poussent à laisser miroiter une vie palpitante et active, comment faire pour se sentir bien seul, en public ?
Si l’on observe bien, mes éléments négatifs ne sont basés que sur des suppositions, des peurs : les miennes. Les vôtres, peut-être ? Alors que mes points positifs s’appuient sur des faits.
Comment peut-on créer de saines relations avec les autres si l’on n’arrive pas à en entretenir une avec soi-même ? Et puis ne sommes-nous pas la première personne à qui nous devrions accorder du temps de qualité, des moments de plaisir.
À la suite de ma réflexion, j’ai sorti tous mes objets de baignade, que j’ai déposés dans un joli sac tressé. Assise derrière le volant, j’ai fermé la portière et je suis partie vers les États-Unis, parce que les plages y sont si belles. Même si la tendance est au boycottage, je me suis dit que je bannirais le pays du vilain Donald Duck une prochaine fois.
Dans cette campagne qui sent l’été, je m’arrête à une petite douane cachée. Et j’attends mon tour, heureuse comme jamais d’aller au bord de l’eau.
Oui, il arrive qu’on n’ait pas d’autre choix que de patienter. Mais pour le reste… Il ne tient qu’à nous de surmonter nos peurs et de saisir le jour.